Avec le nouveau décret, les fromages perdent leur gras
Après douze ans de discussion, le décret fromage vient de subir un toilettage nécessaire. L’un des points tant attendus du décret fromage 2007 se trouve être le calcul de la teneur en matière grasse. La méthode employée devrait satisfaire à la fois les consommateurs et les professionnels.
Si depuis 2003, le double étiquetage de la matière grasse fleurissait déjà sur les emballages de fromage, le nouveau décret répond désormais à la demande des professionnels en identifiant la teneur en matière grasse non plus à partir de l’extrait sec mais à partir du produit fini. En appliquant la nouvelle réglementation, les professionnels souhaitent ainsi mieux aborder les préoccupations des consommateurs. Ces derniers comprenaient mal ou peu le calcul de la matière grasse sur l’extrait sec. La pratique différait également des autres filières agroalimentaires.
En reprenant la teneur en matière grasse pour 100 g de produit fini, le nouveau calcul s’avère moins rigoureux que le précédent. Il ne tient plus compte de la dessiccation ou de la perte en humidité des fromages. En revanche, les fromages apparaissent moins gras aux yeux des consommateurs. Notons que le poids total varie selon le type de fromage et évolue avec le temps.
L’étiquetage nutritionnel peut remplacer la teneur en matière grasse
Nul doute que la nouvelle méthode paraît plus compréhensible au consommateur ; elle lui évite l’élaboration d’un calcul bien compliqué. Pour certains fromages, l’étiquetage nutritionnel avec l’indication de la teneur en lipides pour 100 g remplace désormais l’apposition de la matière grasse sur l’emballage. Cela concerne surtout les produits industriels dont le processus de fabrication reste stable et régulier.
Les mentions « 0 % de matière grasse », « allégé » et « maigre » ont également été redéfinies. Si les fromages à 0 % de matière grasse doivent être confectionnés à partir de lait écrémé, sans autre ajout de matière grasse, la mention « maigre » se rapporte désormais aux produits dont la teneur en matière grasse est inférieure à 10 g sur l’extrait sec. De même, la mention « allégé » s’applique aux fromages dont la teneur en matière grasse sur extrait sec est comprise entre 10 et 30 g.
Un cas particulier : les fromages fermiers
Quant aux fromages AOP et IGP, ils seront dispensés du calcul de la teneur en matière grasse si celle-ci figure dans le cahier des charges de l’appellation. Toutefois, elle devra être reprise sur l’emballage.
La complexité viendra principalement avec les fromages fermiers. Le décret autorise désormais l’affinage à l’extérieur de l’exploitation chez un affineur. Cette pratique était déjà tolérée pour certaines AOP comme le Reblochon fermier. En commercialisant sous une même marque des fromages provenant de différents sites, il sera difficile voire impossible de mesurer la teneur en matière grasse. Contrairement aux industriels, les fermiers transforment uniquement le lait des vaches ou chèvres de leur exploitation. Ils ne peuvent donc pas compenser les variations de teneur en matière grasse de leur lait en le mélangeant à celui d’autres troupeaux. Enfin, les coûts d’analyse et d’étiquetage engendrés risquent alors d’être prohibitifs.
Nul doute qu’en choisissant de se plier à la réglementation des autres produits alimentaires, les professionnels vont, de fait, alléger leurs fromages sans en modifier la recette. Cette prouesse législative va leur permettre de séduire un consommateur toujours plus attentif à sa ligne et qui, malgré les bienfaits des produits laitiers, avait tendance à les bouder. Souhaitons qu’après cette cure d’amaigrissement, ils retrouvent l’engouement des tables.